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Finance inclusive verte : une nécessité et une opportunité pour les IMF au Moyen-Orient et en Afrique du Nord

Comment le secteur de la microfinance régional peut-il contribuer à gérer les risques climatiques et continuer à renforcer les moyens de subsistance ?
Un homme avec un outils contemple un champ au Moyen-Orient.

Le changement climatique représente un risque majeur pour nos économies, notamment en raison de ses conséquences sur la résilience des entreprises et la viabilité des moyens de subsistance. Dans la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (MENA) en particulier, les catastrophes climatiques sont de plus en plus fréquentes et de plus en plus sévères. La Banque mondiale estime que la région MENA subira les pertes économiques les plus importantes au monde en raison de la pénurie d'eau due au changement climatique, à savoir 6 à 14 % du PIB d'ici 2050. Les plus touchés par ces changements sont les individus à faibles revenus et les petites entreprises, dont les moyens de subsistance peuvent être précaires et qui disposent de peu de moyens d'atténuation et d'adaptation.

Heureusement, le secteur de la microfinance de la région connaît bien les besoins de ces populations et ses acteurs sont bien placés pour mobiliser leur expertise et fournir des services financiers qui peuvent contribuer à relever ces défis. Avec les bonnes actions et une approche de finance inclusive verte, les institutions de microfinance (IMF) peuvent protéger à la fois leurs clients et le secteur dans son ensemble contre les risques climatiques à grande échelle et la détérioration des conditions environnementales locales.

Qu'est-ce que la finance verte inclusive ?

La finance verte inclusive reconnaît que les prestataires de services financiers (PSF) inclusifs, tels que les IMF, ont un rôle clé à jouer dans la gestion des risques et des effets du changement climatique.  Elle vise à accroître la résilience climatique des clients des PSF et, dans le même temps, à protéger l'environnement. Parmi les actions à mettre en place on retrouve :

  • La mise en œuvre d’une stratégie environnementale ;
  • L’identification et la gestion des risques, des opportunités et des vulnérabilités d’ordre environnemental ;
  • L’offre de services financiers et non financiers durables.

Ces actions reflètent les structures utilisés par le Green Index 3.0 (du groupe d’action GICSF-AG de l’e-mfp) et la dimension 7 des Normes universelles de CERISE+SPTF sur la gestion des performances sociales et environnementales (USSEPM), des outils qui peuvent aider les institutions à mesurer et à suivre leurs performances environnementales dans le temps. Des approches plus détaillées des taxonomies et des cadres utilisés pour la conception de produits, comme celles disponibles auprès du CFI ou du CGAP, peuvent aider les institutions à comprendre comment améliorer leurs produits financiers pour répondre aux besoins de leurs clients.

Avec les bonnes actions et une approche de finance inclusive verte, les IMF peuvent protéger à la fois leurs clients et le secteur dans son ensemble contre les risques climatiques à grande échelle et la détérioration des conditions environnementales locales.

Quel est le niveau de développement de la finance inclusive verte dans la région MENA ?

L'année dernière, nous avons mené une recherche primaire sur l'état de la microfinance durable dans la région MENA et nous avons constaté que le niveau de compréhension et de développement du champ de la finance inclusive verte était très variable. L'étude, soutenue par la Facilité d'assistance technique de SANAD et réalisée par HEDERA Sustainable Solutions, s’est basée sur des entretiens avec les principales parties prenantes du secteur et sur une enquête menée auprès de 42 institutions de microfinance, représentant les principaux acteurs de la microfinance dans la région. Voici quelques conclusions de l'étude :

  • Stratégie : 40 % des institutions ont introduit le concept de protection de l'environnement dans leur stratégie institutionnelle, ont chargé une équipe de la réalisation des objectifs associés et rendent compte de leurs résultats annuels en interne.
  • Gestion des risques climatiques : la plupart des IMF sont conscientes des risques climatiques, mais cherchent à développer des capacités internes pour suivre et gérer ces risques et pour sensibiliser leurs clients à ces questions.
  • Offre de produits : la moitié des institutions interrogées proposent déjà des produits de finance verte, principalement liés aux technologies vertes et aux pratiques agricoles durables. Cependant, elles manquent encore clairement de soutien pour les aider à mieux suivre ces produits et à accéder à des taxonomies standardisées.
  • Nature de l’environnement : si, dans certains pays comme le Yémen, le Maroc et la Tunisie, on constate une prise de conscience de la problématique et des initiatives gouvernementales, dans d'autres domine la perception d’un manque d'orientation claire de la part des régulateurs. Cependant, des recherches plus approfondies nous ont permis de découvrir des initiatives en cours de développement, telles que les programmes des banques centrales visant à soutenir plus activement les institutions locales dans le développement de produits verts en Egypte et en Jordanie.

Il est intéressant de noter que de nombreuses institutions ont adopté des pratiques durables et une approche de finance verte inclusive par nécessité pour leur activité, plutôt que par stratégie de différenciation ou d'innovation. Certaines IMF ont eu recours à des pratiques durables pour faire face à des bouleversements sociopolitiques et aux menaces externes qui compromettaient la continuité des activités.

Par exemple, au Yémen, le développement de produits verts a permis à Al Amal Bank (AMB) de poursuivre ses opérations et d'assurer la continuité des activités de ses clients. La banque nous a expliqué qu’en raison de la pénurie de carburant et de la fluctuation de son prix, un grand nombre d'agriculteurs et de ménages s’étaient tournés vers les prêts permettant de s’équiper en solutions d'énergie solaire. AMB a fourni des services financiers verts sans intérêts aux particuliers et aux PME, pour lesquels les intérêts seront collectés auprès des fournisseurs.

Au Liban, les services financiers et non financiers verts sont également étudiés pour leur capacité à reconstruire la résilience des entreprises ébranlées par la crise économique. Par exemple, le financement de générateurs et de pompes à eau solaires pourrait aider les entreprises à éviter l'hyperinflation des coûts du carburant. Des formations sur les pratiques agricoles durables pourraient permettre aux participants de créer de nouveaux moyens de subsistance.

À l'heure où l'incertitude géopolitique et les risques climatiques vont croissant, ces expériences nous permettent de comprendre comment la durabilité peut renforcer la résilience des entreprises.

Par quoi les IMF peuvent-elles commencer ?

1. Développer une stratégie de durabilité : pour s'assurer que la direction et le personnel de terrain adhèrent à la démarche de durabilité, il est essentiel de commencer par définir des objectifs et une stratégie. Ce processus implique d'allouer des ressources spécifiques, d'améliorer les normes de reporting en interne et en externe, et de s'aligner sur les normes de mise en œuvre et les certifications internationales.

2. Renforcer les capacités du personnel et des clients : l’organisation de sessions de formation et d’événements à visée éducative, ou la diffusion de documentation peuvent contribuer à promouvoir la finance verte et, dans le même temps, à développer la demande pour ces produits.

3. Intégrer la gestion des risques climatiques dans les opérations : les IMF ont besoin du bon système de gestion environnementale et sociale (SGES) pour établir des objectifs clairs et améliorer les performances institutionnelles, notamment les processus de prise de décision, mais aussi la conception et la fourniture de services financiers et non financiers verts. Les processus de digitalisation en cours peuvent être exploités pour intégrer la gestion des risques climatiques et le suivi des performances des prêts verts.

4. Réaliser des études de marché et tester de nouveaux produits : pour établir un modèle d'affaires viable pour les produits financiers et non financiers verts, les IMF doivent d'abord analyser le marché pour comprendre les pratiques actuelles, les besoins et l'accès global aux services de base. Ensuite, grâce à des projets pilotes et des partenariats, les institutions peuvent évaluer la viabilité de leur offre, mieux négocier les conditions et le partage des responsabilités avec leurs partenaires, et développer la demande locale de services verts.

Les investisseurs, les décideurs politiques, les réseaux de microfinance et les prestataires d'assistance technique doivent être proactifs dans la création d'un environnement favorable à la finance verte inclusive et dans le soutien aux IMF.

Recommandations pour les facilitateurs de l’écosystème

Les investisseurs, les décideurs politiques, les réseaux de microfinance et les prestataires d'assistance technique doivent être proactifs dans la création d'un environnement favorable à la finance verte inclusive et dans le soutien aux IMF qui mettent en œuvre les actions décrites ci-dessus. Pour les facilitateurs de l'écosystème, nous recommandons la mise en œuvre des actions clés suivantes dans le cadre d'une approche KAP (« Know-How, Advocacy and Partnerships ») :

Savoir-faire

  1. Soutenir les études de marché afin de produire des données fiables.
  2. Développer des programmes de renforcement des capacités en partenariat avec les réseaux de microfinance locaux et régionaux.
  3. Fournir une assistance technique spécialisée aux IMF.

Promotion

  1. Diffuser des outils de gestion des données numériques pour l'évaluation des risques environnementaux, l'estimation de la demande de produits durables et le suivi de l'impact.
  2. Développer les capacités internes de gestion des risques environnementaux.
  3. Encourager l'échange des enseignements et des exemples de réussite entre les PSF.

Partenariats

  1. Réunir les différentes parties prenantes de l'écosystème.
  2. Définir des taxonomies normalisées utiles à de multiples parties.
  3. Lever des financements ciblés pour le développement de portefeuilles verts.

Un engagement actif

Le secteur de la microfinance dans la région MENA est confronté à de nombreux enjeux. S'engager activement dans la protection de l'environnement, contribuer à la gestion des risques climatiques, renforcer la résilience et encourager une transition durable est essentiel pour l'avenir du secteur et pour les moyens de subsistance des nombreux individus et entreprises qui se sont développés grâce aux services financiers inclusifs.

Pour plus d'informations sur la finance verte inclusive dans la région MENA et les possibilités de partenariat, veuillez contacter Natalia Realpe Carrillo et Alexander Reviakin.

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