Comment les institutions de microfinance peuvent-elles aider leurs clients à renforcer leur résilience climatique ?
La moitié de la population mondiale vit aujourd'hui dans des zones très vulnérables au changement climatique, et l’impact de ce dérèglement est bien plus lourd dans ces régions que dans les autres. Selon le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), le coût humain et économique des inondations, des sécheresses et des tempêtes est 15 fois plus élevé dans les régions très vulnérables que dans les zones les moins vulnérables. Et si la planification de l'adaptation est désormais très répandue, sa mise en œuvre est inégalement répartie et présente des lacunes importantes, notamment pour garantir que les financements parviennent bien à ceux qui en ont le plus besoin. Des études montrent que 10 % seulement des fonds dédiés au climat parviennent au niveau local.
Pourquoi les IMF ?
Conscient de ces défis, le précédent article de cette série, les IMF sont bien placées pour promouvoir les produits et services d'adaptation au changement climatique, étant donné la correspondance géographique étroite entre l'impact climatique et la couverture du secteur de la microfinance dans le monde. En outre, les services financiers sont un premier outil clé pour favoriser la résilience, et beaucoup d'IMF de grande taille sont déjà le principal fournisseur de services financiers et de services connexes, tels que la formation et les services de vulgarisation agricole, pour de nombreuses communautés.
Comme le montreIl ressort de notre expérience de la pandémie de COVID-19 que les IMF peuvent jouer un rôle clé dans le renforcement de la résilience des populations des pays en développement face à des chocs sévères. Depuis le début de la pandémie, les IMF partenaires d'Opportunity en Inde, en Indonésie et au Népal ont formé 15 millions de personnes à la prévention et à la gestion du COVID-19, tandis que nos partenaires de la Small Finance Bank en Inde ont géré plus de 30 000 camps de vaccination, qui ont permis de vacciner plus de 3,8 millions de personnes. Avec une telle portée auprès des communautés locales, les IMF sont bien placées pour jouer un rôle plus important dans la promotion de l'adaptation et de la résilience climatique.
Le rôle des IMF
Que peuvent faire les IMF pour soutenir leurs clients dans le contexte du changement climatique ? Pour le savoir, il faut commencer par comprendre ce dont les clients ont réellement besoin. Une recherche récemment menée au Rwanda avec l’appui d’Opportunity donne de premières indications. Comme l’ont exposé nos partenaires de l'Université Calédonienne de Glasgow et de l'Université du Rwanda dans le premier article de cette série, les résultats de cette recherche suggèrent que les IMF ont la capacité d'apporter une contribution beaucoup plus importante à la résilience :
- En adaptant les politiques, les consignes opérationnelles et les pratiques de façon à prendre en compte le changement climatique ;
- En élargissant l'objet des prêts, en particulier dans le secteur agricole, et en proposant des conditions de prêt plus souples ;
- En élargissant l'accès aux services financiers et en dispensant des formations sur les stratégies d'atténuation et d'adaptation au changement climatique, en particulier sur les technologies et pratiques simples et économiques, par exemple en matière de gestion des ressources en eau ;
- En explorant de nouvelles sources de financement à partir des fonds d'adaptation au changement climatique afin de soutenir ces changements.
Les mesures que peuvent prendre les IMF pour renforcer la résilience climatique relèvent globalement de deux grandes catégories : les services financiers et les services non financiers.
Les IMF peuvent adapter, étendre et compléter leur offre de services financiers
Nos recherches au Rwanda et les retours de notre réseau d'agents de services aux agriculteurs montrent qu’il existe différents moyens d'adapter les produits financiers existants pour accroître la résilience climatique :
- Proposer des prêts à plus long terme (trois ans ou plus), afin de permettre l'investissement dans des actifs dont le retour sur investissement ne s'inscrit pas dans le cycle standard des cultures agricoles : par exemple, les systèmes d'irrigation, les équipements de semis et de récolte, le stockage post-récolte, le transport, la plantation d'arbres et la transition vers des cultures nouvelles et plus durables ;
- Fournir des microcrédits agricoles productifs de faible montant destinés aux groupes d'agriculteurs vulnérables en situation d’exclusion financière, en supprimant les restrictions imposées aux groupes à faible revenu et aux agriculteurs qui ne sont pas membres de coopératives agricoles existantes ;
- Combiner les produits de prêt et d'assurance ;
- Réviser certaines conditions applicables aux produits de prêt, tels que le décaissement, le calendrier de remboursement, les intérêts et les pénalités, afin de faciliter les nouveaux produits et de garantir l'efficacité des prêts existants. Par exemple, nos recherches montrent de façon récurrente que la réduction des délais de décaissement des crédits est essentielle pour assurer la réussite des plantations et des récoltes.
Chez Opportunity, nous étudions également l'assurance institutionnelle contre les risques de catastrophes afin de faciliter les prêts d'urgence post-catastrophe. Nos partenaires en Inde s’efforcent de résoudre les contraintes qui pèsent sur l'offre et la demande d'assurance bétail avec le financement et l'assistance technique du fonds d'investissement InsuResilience. Et nous travaillons par le biais de notre réseau d'agents de services aux agriculteurs en Afrique pour élargir l'accès des petits exploitants agricoles aux prêts et aux assurances à faible coût.
Les IMF peuvent fournir des services non financiers
Grâce à leur proximité avec les communautés rurales, les IMF peuvent également fournir des services non financiers destinés à aider les clients à renforcer leur résilience et à s'adapter au changement climatique, par exemple :
- Informations sur les prévisions météorologiques à court et à long terme ;
- Mise en relation avec le marché et régulation des prix ;
- Formation aux connaissances et aux compétences nécessaires pour faire face aux aléas climatiques ou au changement climatique, par ex. conseils d'agronomes sur les techniques ou stratégies agricoles plus durables.
Grâce à notre réseau d'agents de services aux agriculteurs (Farmer Service Agents, FSA) en Afrique, nous diffusons des formations techniques adaptées aux enjeux climatiques sur les techniques de plantation, l'irrigation, les pesticides, la rotation des cultures et le stockage. Les FSA aident les agriculteurs à accéder à des données précises sur les prix du marché, les prévisions météorologiques et les rendements via leur smartphone. Les FSA établissent également des partenariats avec des entreprises agroalimentaires pour faciliter les accords d'achat groupé d'intrants agricoles et les accords de vente avec les acheteurs locaux.
Les IMF ont besoin de soutien
Pour beaucoup de ces stratégies, les IMF auront besoin de nouveaux types de financements, voire de subventions pour les services non financiers. Le capital patient et/ou les financements mixtes seront nécessaires pour allonger la durée des prêts dédiés aux investissements à plus long terme et pour fournir des prêts à un plus grand nombre de groupes exclus et au profil plus risqué.
Toutefois, des financements supplémentaires ne suffiront pas. Ces solutions doivent s’appuyer sur une meilleure compréhension des besoins des clients et des communautés au niveau local. Au-delà de la fourniture de formations et d'intrants agricoles adaptés à l'environnement local, Opportunity International s'engage à concevoir des solutions qui renforcent le pouvoir des acteurs locaux en matière de solutions climatiques. A ce titre et en tant que signataire des Principes d'adaptation locale (Principles for Locally Led Adaptation), nous encourageons les prestataires de services financiers à chercher à mieux comprendre les besoins des clients au niveau local.
Nous encourageons également les investisseurs et les bailleurs de fonds à considérer le positionnement privilégié des IMF pour la prestation de services financiers et non financiers à certains des groupes les plus vulnérables au changement climatique, et à prendre en compte le fait que bon nombre de solutions visant à renforcer la résilience ne sont pas économiquement viables dans le cadre du modèle de microfinance courant. Les bailleurs de fonds doivent fournir des capitaux patients, tout en encourageant le partenariat et une approche adaptée au niveau local.
En ciblant les besoins et les vulnérabilités des clients, et avec l’aide des fonds destinés à l'adaptation climatique, le secteur de l'inclusion financière pourrait jouer un rôle important dans le renforcement de l'adaptation au changement climatique et de la résilience des clients de la microfinance.
L’article est vraiment instructif et peut aider dans la prise de décision.
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