Quatre façons dont les institutions de microfinance font face à la pandémie de COVID-19
Les conséquences de la pandémie de COVID-19 (coronavirus) sur les institutions de microfinance (IMF) et leurs clients suscitent, à juste titre, beaucoup d’inquiétude. L’enquête Global Pulse du CGAP sur les IMF permet de mieux cerner cet impact en se penchant sur un certain nombre d’indicateurs, dont notamment la dégradation des portefeuilles de prêt et les niveaux de liquidité des institutions. Une autre question se pose, qui a bénéficié de moins d'attention jusqu’ici : comment les IMF ont-elles réagi face à la crise ? Comment réajustent-elles leurs activités ? Font-elles preuve de clémence vis-à-vis de leurs clients ? Ont-elles été contraintes de licencier ou de fermer des agences ? Autant d’interrogations auxquelles l’enquête Global Pulse apporte un début de réponse.
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1. Clémence vis-à-vis des clients
Face à la crise du coronavirus, la réaction des IMF la plus courante consiste à faire preuve de clémence vis-à-vis de leurs clients. Ainsi, 85 % des institutions ont adopté des mesures de bienveillance, sous la forme de moratoire ou de restructuration de prêts pour près des deux tiers d'entre elles. Des mesures qui sont une véritable bouffée d’oxygène pour des emprunteurs privés de tout ou partie de leurs revenus à cause de la pandémie.
Et qui relèvent le plus souvent d’une décision des IMF elles-mêmes et non d’une disposition imposée par les organes de réglementation : les deux tiers des institutions qui accordent des délais de remboursement indiquent le faire volontairement. Ce qui soulève des questions importantes en ce qui concerne l’utilité des obligations réglementaires.
Quant aux conditions requises pour se voir accorder un moratoire, la règle la plus courante (chez plus de la moitié des IMF de notre échantillon) est d’en faire bénéficier quiconque le sollicite. Une petite proportion d’entre elles (14 %) vont même plus loin en proposant un moratoire général à tous leurs clients, sans qu’ils aient à en faire la demande. D’autres IMF sont en revanche plus restrictives : dans ce cas, ce sont elles qui déterminent le plus souvent leurs propres critères de sélection, tandis qu’un petit nombre d’IMF indiquent se conformer à la décision des autorités.
Dans leur grande majorité, les IMF n’ont pas encore commencé à procéder à des annulations de prêts. Elles sont à peine plus d’une sur dix à déclarer recourir davantage à cette mesure en raison de la pandémie. Ce qui est somme toute logique, dans la mesure où la question des annulations ne se posera qu’après l’expiration des moratoires et l’arrivée à échéance des prêts restructurés. Les mesures de clémence permettent seulement de retarder des remboursements qui, à terme, devront être payés par les emprunteurs. On verra alors, à ce moment-là, s’ils sont en mesure de rembourser leurs prêts, et si les IMF parviennent à surmonter la pandémie.
2. Réduction des prêts
Deuxième réaction la plus répandue parmi les IMF : réduire leurs opérations de prêt. Plus des deux tiers de toutes les IMF interrogées ont réduit leurs décaissements en raison de la pandémie de COVID-19. Certes, cette baisse était prévisible, mais elle reste déroutante du fait du nombre d’institutions concernées. De surcroît, la plupart d’entre elles ont procédé à des coupes sévères : les deux tiers ont réduit de plus de moitié leurs opérations de crédit par rapport à leur niveau normal d’activité, tandis qu’une IMF sur dix déclare avoir totalement arrêté ses prêts. On comprend mieux dès lors pourquoi les IMF affichent des réserves de liquidité supérieures à ce que beaucoup prédisaient après la survenue de la crise, comme nous l’avons décrit il y a quelques semaines.
Nous ne connaissons pas encore les raisons de cette baisse : fléchissement de la demande et risques plus élevés du côté de la demande ? Tolérance au risque plus faible chez les IMF ? Normes réglementaires plus strictes ou simplement tendance à accumuler des liquidités face à un avenir incertain ?
Quoi qu’il en soit, le fait est que la majorité des IMF que nous avons sondées ont réduit leur activité principale à un niveau compris entre un tiers et la moitié de celui qui prévalait avant la pandémie. Même dans le meilleur des scénarios, l’ampleur de la contraction amène à se demander combien de temps les IMF pourront encore tenir dans ces conditions. Surtout, cette réduction d’activité soulève des inquiétudes quant à ses conséquences pour des clients à bas revenus dont les moyens de subsistance dépendent de la microfinance.
3. Modulation des effectifs
La troisième mesure la plus courante consiste à moduler les effectifs. Les fermetures d’agences et les licenciements restent circonscrits. Moins d’une IMF sur six dit y avoir eu recours et, le cas échéant, de manière limitée et la plupart du temps en mettant en œuvre l’une ou l’autre de ces mesures, mais pas les deux. Un peu plus d’un quart seulement des institutions ayant congédié du personnel ont aussi procédé à des fermetures d’agences et une sur cinq seulement ayant fermé des agences a aussi débauché. La majorité des IMF ont plutôt misé sur la flexibilité. Plus de la moitié d’entre elles ont recours au télétravail pour une partie du personnel, et 41 % à des réductions du temps de travail ou des mises en congé (payé ou sans solde).
Un petit pourcentage d’IMF paye cependant un lourd tribut aux fermetures d’agences et aux licenciements. Près d’une institution sur dix a fermé plus de 80 % de ses agences, et 6 % d’entre elles ont licencié ou mis au chômage technique plus de 80 % de leurs employés. Par ailleurs, dans une IMF sur huit environ, plus de 80 % du personnel est en congé ou en temps de travail réduit. Il est important de souligner que, dans chacun de ces cas, l’échantillon est de taille limitée et que les données présentent par conséquent un certain degré d’incertitude. Cela dit, il apparaît évident qu’une petite partie du secteur de la microfinance est exposée actuellement à des difficultés extraordinaires.
4. Facilitation de l'accès à distance
Quatrième et dernière mesure la plus répandue parmi les IMF : élargir les moyens d’accès à distance pour parvenir à desservir leurs clients malgré les mesures de confinement et la crainte du coronavirus. Un tiers environ des institutions ont développé leurs centres d’appels ou leurs canaux numériques, sachant que, dans une proportion légèrement inférieure d’entre elles, cette expansion a donné lieu à la mise en place de nouveaux moyens d’accès digital pour la clientèle.
On observe toutefois une grande variété de situations. Ainsi, parmi les IMF qui ont étendu leurs centres d’appels, un peu plus de la moitié n’a pas développé ou mis en place de solution numérique. Le reste se répartit en parts égales entre celles qui ont établi de nouvelles alternatives numériques, celles qui les ont étendues et celles qui ont fait les deux. Inversement, environ la moitié des IMF qui ont étendu des canaux numériques existants en ont aussi mis en place de nouveaux, tandis que moins d’un tiers ont développé leurs centres d'appels.
Environ 40 % des IMF de l’échantillon indiquent effectuer un certain nombre de transactions par voie électronique, mais une sur sept seulement y a recours pour plus de 30 % de ses transactions. En outre, un quart des IMF n’effectuent aucune transaction numérique. Fait frappant, 47 % des IMF qui ont répondu à notre enquête n’ont pas du tout étendu les moyens d’accès distant à leurs services, ce qui révèle une fracture notable entre les institutions qui exploitent le levier technologique — par voie téléphonique ou numérique — et les autres.
L’ensemble de ces données mettent en évidence un secteur de la microfinance mis à rude épreuve mais qui fait preuve de souplesse, en donnant du répit à la fois à ses clients et à ses employés tout en développant de nouvelles manières de servir la clientèle à distance. Jusqu’à présent, cette flexibilité permet aux IMF de s'adapter, traverser la crise et éviter le pire, ce qui est réconfortant tant pour les prêteurs que pour les emprunteurs. Mais ces mesures suffiront-elles à terme ?
Nous traiterons cette question dans notre prochain billet.
L'enquête Global Pulse du CGAP sur les institutions de microfinance est une initiative mondiale dont la réussite dépend de la participation des IMF du monde entier. Pour plus d'informations sur l'enquête, consultez le site www.cgap.org/pulse. Cette publication s’inscrit dans le cadre d’une série de billets intitulée Microfinance et COVID-19 : enseignements de l'enquête Global Pulse du CGAP. Nous y partagerons régulièrement nos plus récentes analyses des données de l'enquête.
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