Entre résilience et digitalisation : comment se porte le secteur de la microfinance en Côte d'Ivoire ?
Cyrille Tanoe est le Directeur Exécutif de Association Professionnelle des Systèmes Financiers Décentralisés de Côte d'Ivoire (APSFD-CI) depuis 2000. Il est également administrateur de plusieurs conseils de gestion de fonds d’appui à la microfinance en Côte d’Ivoire.
Portail FinDev : Pourriez-vous nous présenter l’APSFD-CI ?
Cyrille Tanoe : L’Association Professionnelle des Systèmes Financiers Décentralisés de Côte d’Ivoire (APSFD-CI) est une institution à but non lucratif de droit ivoirien. L’institution regroupe et représente tous les Systèmes Financiers Décentralisés (SFD) agréés en Côte d’Ivoire. Depuis sa création en août 1998, l’APSFD-CI s’est donnée pour mission de "promouvoir un secteur de la microfinance professionnel, responsable et inclusif qui contribue à l'amélioration des conditions de vie des ménages en Côte d'Ivoire".
Dans le cadre de son rôle de représentation des institutions de microfinance, l’APSFD-CI joue un rôle de premier plan en matière de renforcement des capacités et de diffusion de l’information sur les bonnes pratiques de l’industrie aux différents acteurs du secteur de l’inclusion financière.
Les principaux objectifs stratégiques de l’APSFD-CI se déclinent ainsi :
- Assurer la promotion et la défense des intérêts collectifs de ses membres ;
- Favoriser la coopération entre ses membres ;
- Assurer la formation de ses membres ;
- Organiser et assurer la gestion de services d’intérêt commun en faveur de ses membres ;
- Informer le public sur ses activités dans le cadre de sa mission.
A ce jour, l’APSFD-CI compte 46 SFD membres dont 19 S.A. (Sociétés Anonymes) et 27 IMCEC (Institutions Mutualistes ou Coopératives d’Épargne et de Crédit). Ces institutions sont reparties sur l’ensemble du territoire national à travers leurs 416 points de services. À fin décembre 2021, 4 083 951 de ménages (contre 2,8 millions en 2020) bénéficiaient des produits et services des SFD de Côte d’Ivoire.
Portail FinDev : Comment se porte le secteur de la microfinance en Côte d'Ivoire ?
Cyrille Tanoe : Sur les trois dernières années, les principaux indicateurs du secteur de la microfinance ont globalement bien évolué. En effet, l’encours des dépôts est passé de 349,7 milliards FCFA en 2019 (572 millions USD) à 440,8 milliards FCFA (725 millions USD) à fin décembre 2021. Soit une nette augmentation de l’ordre de 31,68 %.
Concernant l’encours de crédit de l’ensemble des SFD, il est passé de 341,1 milliards FCFA (561 millions USD) en 2020 à plus de 445,8 milliards FCFA (733 millions USD)au quatrième trimestre 2021.
L’évolution à la hausse de ces indicateurs illustre le dynamisme croissant du secteur en termes d’offre de produits et de services financiers, la confiance de la clientèle des SFD et une meilleure compréhension des besoins de la cible.
Aperçu synthétique de l’évolution du secteur de la microfinance de 2019 à 2020
À l’instar des autres secteurs économiques, le secteur de la microfinance a été affecté par la pandémie de COVID-19, ce qui a occasionné une baisse du rythme de croissance des activités par rapport aux prévisions, aussi bien au niveau de la distribution du crédit que de la collecte de l’épargne sur ces deux dernières années.
En outre, la plupart des SFD ont enregistré une dégradation de la qualité de leur portefeuille du fait du ralentissement ou de l’arrêt des activités de certains clients ayant bénéficié de crédit et des reports d’échéance. Mais face à cette situation imprévue, les SFD ont su faire preuve de résilience en maintenant leurs activités.
Au cours des trois dernières années, le commerce, la restauration et l’hôtellerie demeurent les secteurs d’activités les plus financés. En 2021, les financements orientés vers ces secteurs représentent 59,47 % de l’encours de crédit des SFD.
L’évolution à la hausse de ces indicateurs illustre le dynamisme croissant du secteur en termes d’offre de produits et de services financiers, la confiance de la clientèle des SFD et une meilleure compréhension des besoins de la cible.
Portail FinDev : A quels défis fait face le secteur au niveau national ?
Cyrille Tanoe : L’un des principaux défis actuels du secteur de la microfinance porte justement sur la digitalisation. En effet, avec la montée en puissance des technologies, l'inclusion financière s'est radicalement transformée au cours des deux dernières décennies. Nos IMF sont désormais confrontées à la concurrence des fintechs, des opérateurs de téléphonie mobiles et d'autres nouveaux acteurs. Pour continuer à répondre aux besoins de leurs clients, nos institutions doivent s'adapter à ce nouveau contexte où la digitalisation semble être un élément essentiel pour la compétitivité des produits et services financiers.
C’est dans ce cadre que l’APSFD-CI a entrepris, depuis 2015, une série d’actions pour encourager ses membres à migrer progressivement vers la digitalisation de certains de leurs produits et services :
- La première série d’actions a consisté à identifier les bonnes pratiques avec des exemples de réussite dans le domaine du digital. Cela a permis de réunir, à travers des ateliers, des parties prenantes (Fintechs, Autorités de régulation et SFD) afin d’échanger autour de la problématique de la finance digitale.
- La deuxième série d’actions a porté sur l’organisation de plusieurs ateliers de formation au bénéfice des SFD.
- La troisième catégorie d’actions a pris la forme de plaidoyer auprès des Autorités de régulation, pour la prise compte de la spécificité de la microfinance dans le processus de digitalisation des transactions, à travers le projet d’interopérabilité initié par la BCEAO.
De plus, la situation de crise sanitaire liée au Covid-19 que traverse le monde donne la preuve tangible de l’importance de la digitalisation pour la résilience et la compétitivité du secteur. Par exemple, grâce à la digitalisation, les SFD pourront améliorer leur taux de pénétration du marché, réduire certains coûts et améliorer leur efficacité opérationnelle.
Grâce à la digitalisation, les SFD pourront améliorer leur taux de pénétration du marché, réduire certains coûts et améliorer leur efficacité opérationnelle.
Portail FinDev : Quelles perspectives pour l'avenir et pour la résilience du secteur en Côte d'Ivoire ?
Cyrille Tanoe : À l’horizon 2024, nous voyons un secteur de la microfinance en Côte d’Ivoire plus dynamique avec des SFD qui affichent de hautes performances à la fois financières et sociales, contribuant ainsi à l’amélioration du taux d’inclusion financière. Cela implique de mener des réflexions profondes pour résoudre la question de financement des SFD et adresser le défi de la transformation digitale.
Pour en savoir plus sur l'inclusion financière en Côte d'Ivoire, consultez notre page pays qui regroupe données, articles de blogs, publications et actualités dédiés.
Développement international Desjardins (DID) considère que les services numériques, utilisés dans les secteurs financier comme non-financier (agritech, apprentissage en ligne, etc.) représentent un important levier de développement. La finance numérique, quant à elle, est un accélérateur de l’inclusion financière, notamment des femmes. Ses avantages sont multiples : fournir des services (paiement, épargne, crédit, assurance) de manière efficace et abordable, surmonter les restrictions géographiques, réduire les coûts de transaction et améliorer la transparence et la confiance dans les systèmes financiers.
La finance numérique accroît l’accès des individus non bancarisés aux comptes et aux services financiers en surmontant les restrictions géographiques, en réduisant les coûts de transaction liés à l’utilisation de services financiers, et en améliorant la transparence et la confiance dans les systèmes financiers.
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