Au Liban, une étude sur l'inclusion financière des réfugiés syriens via le microcrédit
Depuis 2011, la guerre a forcé des millions de Syriens à quitter leur pays. Bon nombre d’entre eux ont trouvé refuge au Liban, qui est actuellement le pays où le pourcentage de réfugiés est le plus élevé par rapport à la taille de sa population totale. En effet, 1 habitant sur 4 est un réfugié. Selon les chiffres du gouvernement libanais, le pays accueille 1,5 millions de réfugiés ayant fuit le conflit syrien depuis 2011. Parmi eux, près d’un million était enregistrés auprès du UNHCR (Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés) en septembre 2018.
Plus de 50% des ménages de réfugiés syriens au Liban ont des dépenses inférieures au panier de dépense minimum, évalué à 2,90 US dollars par personne et par jour. Par conséquent, ils ont les plus grandes difficultés à assurer leurs besoins vitaux en matière d’alimentation, de santé et de logement. En outre, 69 % des ménages demeurent en-dessous du seuil de pauvreté.
Dans le cadre du dispositif d’assistance technique du fond CoopMed, financé par le gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg / la Banque européenne d’investissement, CoopMed et Al Majmoua ont lancé une étude pour évaluer les résultats du microcrédit sur les personnes ayant le statut de réfugié.
Une étude pour évaluer l’impact des microcrédits sur les réfugiés
L’objectif principal de cette étude est d’évaluer l’impact du microcrédit sur les conditions socio-économiques de la population de réfugiés. Cette étude cible particulièrement le cas des réfugiés syriens qui se sont installés au Liban après 2011 et qui sont clients d’Al Majmoua. Nous avons ainsi évalué l’évolution des conditions de vie des clients à partir du moment où ils ont souscrit le crédit jusqu’à ce qu’ils aient fini de le rembourser.
L’impact du microcrédit a été évalué selon trois dimensions :
- Les moyens de subsistance, tels que la scolarité, l’alimentation, le logement et les services publics
- L’inclusion sociale, comme la santé et les rapports avec les Libanais
- Et enfin, l’aspect économique, dont les revenus et dépenses, les économies et l’activité économique
Afin de mesurer cette évolution, nous avons suivi pendant un an un échantillon de 150 réfugiés, tous clients d’Al Majmoua. La plupart des participants étaient non bancarisés et seulement 5% d’entre eux avaient reçu un crédit formel auparavant. C’est grâce à Al Majmoua qu’ils ont pu être inclus dans le système financier formel.
L'évolution des indicateurs socio-économiques a été analysée selon six segments : sexe, niveau de revenus, niveau de scolarité, utilisation du crédit, type de crédit et rôle des femmes dans le ménage.
Pour chacun des indicateurs considérés dans le questionnaire, la progression sur 12 mois a été comparée à l'utilisation du prêt et à la perception de l'impact du prêt. La comparaison (triangulation) a portée sur l’analyse de ces trois dimensions. Lorsque leur évolution était concordante et convergente, nous avons pu raisonnablement l’attribuer à l’octroi du crédit.
L'accès au financement a apporté des changements positifs
Cette étude nous a permis de démontrer que les réfugiés syriens sont en mesure de gérer un crédit formel sans subir de retombés négatives, et que le crédit contribue à l’amélioration des conditions socio-économiques.
Outre son impact social, le crédit semble favoriser l'inclusion financière d'individus auparavant exclus. Il leur permet notamment d’investir dans des opportunités commerciales. En cas d'urgence et de besoins, le crédit permet aux entreprises et aux particuliers de faire face aux périodes difficiles. L’augmentation de la résilience économique en termes de réduction de l’endettement, d’économies de fonds et de génération de revenus est également un impact majeur mis en évidence dans l’étude.
En ce qui concerne l’évolution des indicateurs socio-économiques entre 2017 et 2018, l’étude a montré que les conditions de vie se sont améliorées pour la plupart des clients réfugiés syriens. Les conditions de subsistance sont meilleures, en termes de réduction de la dette, remboursement du loyer et des factures, satisfaction au niveau de la nourriture et du logement.
Source : Inpulse
Un microcrédit utilisé à des fins entrepreneuriales
En ce qui concerne l’utilisation du crédit formel, l’étude a révélé que 36% des clients utilisaient le premier crédit reçu pour investir dans une entreprise (23%) ou comme fonds de roulement pour une entreprise (13%).
Le second crédit a été utilisé par 46% d’entre eux pour investir dans une entreprise (39%) ou comme fonds de roulement (7%). Un quart des clients ont utilisé le prêt pour le remboursement de leurs dettes, ce qui leur a permis d'améliorer leurs revenus en douceur.
Une faible proportion d’entre eux ont utilisé le crédit pour des raisons personnelles : 11% des clients ont utilisé le prêt pour améliorer un appartement, 8% pour de la nourriture, 8% des clients l’ont utilisé pour des urgences, 16% pour la santé du ménage (tous les besoins de consommation pris en compte).
Enfin, 96% des clients affirment se sentir mieux après l’utilisation du crédit. Ils affirment avoir constaté une amélioration de l’accès aux services de santé, du revenu familial, de l'accès à la nourriture et des conditions de logement.
Source : Inpulse
Une belle réussite à reproduire avec prudence
En conclusion, cette enquête fournit de solides arguments pour conclure que l'expérience d'Al Majmoua est une réussite et qu'il est d'un grand intérêt de développer et de fournir des microcrédits formels à la population de réfugiés.
L’expérience montre clairement que l’octroi de crédits aux réfugiés doit intégrer une compréhension adéquate de leur situation socio-économique et prévenir tout risque de surendettement.
Le remboursement du crédit n'est pas un indicateur suffisamment fiable. Il reste néanmoins nécessaire que des indicateurs plus précis soient établis et surveillés constamment par toutes les institutions financières engagées dans le support aux réfugiés.
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Coopmed est un fond actif dans la région MENA, soutenu par Inpulse, gestionnaire de placement basé en Belgique. Al Majmoua est la plus grande institution de microfinance (IMF) au Liban, offrant des microcrédits à des personnes n’ayant que peu ou pas d’accès à des canaux de prêts formels, quelles que soient leurs convictions politiques ou religieuses, leur sexe ou leur nationalité.