Inclusion financière en Afrique de l'Ouest : pourquoi le mobile money joue un rôle crucial
Si les services de mobile money se sont développés dans le monde entier, les données du rapport 2024 de GSMA "Le point sur le secteur : les services de mobile money dans le monde" montrent que l'Afrique de l'Ouest est le principal moteur de cette croissance au plan international. En 2023, la région concentrait plus d'un tiers des nouveaux comptes enregistrés et actifs sur 30 jours – plus que toute autre région du monde.
La plupart des prestataires de services décriraient les services de mobile money en Afrique de l'Ouest comme différents de ceux d’Afrique de l'Est. L'Afrique de l'Ouest compte en effet davantage de services de mobile money gérés par des opérateurs de réseaux non mobiles. Une particularité qui a créé un marché régional dynamique, sur lequel les fournisseurs non mobiles rivalisent avec les opérateurs de réseaux mobiles (ORM) historiques.
L'Afrique de l'Ouest, moteur de la croissance mondiale de l'accès au mobile money
Malgré cette différence, l'Afrique de l'Est et l'Afrique de l'Ouest ont en commun un niveau élevé de contribution du secteur au PIB. Sur la base des données récoltées de 2013 à 2022 dans le monde, GSMA a constaté que le secteur du mobile money avait contribué à hauteur de 600 milliards de dollars au PIB des pays disposant de services de mobile money au cours de cette période – soit une augmentation du PIB de 1,5 % à la fin de 2022. Lorsqu’on affine ces chiffres au niveau régional, on constate que le taux élevé d'adoption du mobile money en Afrique de l'Est et de l'Ouest s'est traduit par une contribution au PIB supérieure dans ces régions : 5,9 % en Afrique de l'Est et 4,1 % en Afrique de l'Ouest, à la fin 2022.
Alors que l'Afrique de l'Est est traditionnellement considérée comme la première région pour le mobile money, c’est l'Afrique de l'Ouest qui a été le moteur de la croissance de l'accès au mobile money au cours des dernières années. La proportion de nouveaux comptes enregistrés et de nouveaux comptes actifs sur 30 jours en Afrique de l'Ouest a fortement augmenté depuis 2021 (Figure 1). En 2023, plus d'un tiers des nouveaux comptes enregistrés et des nouveaux comptes actifs sur 30 jours au niveau mondial provenaient d'Afrique de l'Ouest, une part inégalée dans les autres régions. Cette évolution est principalement due à la croissance enregistrée au Ghana, au Nigeria et au Sénégal.
Figure 1 : parts de nouveaux comptes enregistrés et de nouveaux comptes actifs sur 30 jours par région, 2021-2023
La réglementation a joué un rôle important dans l'évolution du secteur du mobile money en Afrique de l'Ouest, en particulier en ce qui concerne les types d'utilisation possibles pour les clients de la région. Par exemple, l'Afrique de l'Ouest avait la part régionale la plus élevée de transferts de fonds entrants. Cependant, les envois de fonds vers l'étranger ne sont toujours pas autorisés dans de nombreux pays de la région, en particulier dans les pays qui utilisent le franc CFA. Malgré cela, les envois de fonds internationaux en Afrique de l'Ouest ont augmenté de manière significative. De manière globale, ce sont les envois de fonds internationaux qui ont connu la plus forte croissance parmi les types d’utilisation du mobile money en 2023. La valeur des transactions a augmenté d'un tiers en glissement annuel pour atteindre près de 29 milliards de dollars. La majeure partie de cette croissance (60 %) provient de l'Afrique de l'Ouest.
La réglementation a joué un rôle important dans la région de l'UEMOA
En Afrique de l'Ouest, les services de mobile money varient d'un pays à l'autre : les marchés francophones ont connu une croissance différente de celle des marchés anglophones. La région de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) comprend le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo. Entre 2018 et 2022, plus de 110 millions de nouveaux comptes de mobile money ont été ouverts dans la région, dont 60 millions depuis 2021. L'utilisation croissante du mobile money a contribué à faire progresser l'inclusion financière de 56 % en 2018 à 71 % en 2022.
La réglementation dans la zone UEMOA permet aux banques et aux acteurs non bancaires d'offrir des services de mobile money. La réglementation établie par la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) impose des partenariats basés sur des accords techniques entre les banques, les institutions de microfinance, les opérateurs de réseaux mobiles (ORM) ou les fintechs. En 2022, les partenariats basés sur un modèle bancaire étaient les plus populaires. Sur les 45 services de mobile money répertoriés dans la région de l'UEMOA, 29 étaient gérés par des banques en partenariat avec des prestataires techniques, tandis que 15 étaient fournis par des émetteurs de monnaie électronique (EME) agréés (Figure 2). Au total, les émetteurs de monnaie électronique détenaient une part de marché de 71 % des comptes enregistrés. La part des comptes proposés dans le cadre de partenariats gérés par des fintechs est passée de 23 % en 2018 à 29 % en 2022.
Figure 2 : augmentation du nombre de services de mobile money par modèle, 2018-2022
Zoom sur le Nigeria : deux modèles en concurrence
La croissance du mobile money au Nigeria a été stimulée à la fois par des modèles gérés par des ORM et par des modèles gérés par d’autres acteurs, soumis à des licences différentes. Ces licences autorisent certaines activités similaires, mais elles peuvent affecter la capacité des acteurs à améliorer l'inclusion financière selon les types d'utilisation qu’elles permettent d’offrir au détenteur de licence :
- En 2018, la Banque centrale du Nigeria (CBN) a introduit la licence de « banque de services de paiement » (BSP), permettant aux ORM d'offrir des services financiers. La licence est réservée aux prestataires de services de mobile money non bancaires dont au moins 25 % des opérations sont réalisées dans les zones rurales. Les BSP peuvent proposer des services de dépôt et de retrait, des envois de fonds transfrontaliers et émettre des cartes de paiement, mais pas de cartes de crédit.
- Les prestataires de services de mobile money non gérés par des ORM doivent détenir une licence d'« opérateur d'argent mobile » (OAM), qui diffère de la licence de BSP. Par exemple, les OAM ont une obligation de capital minimum moins élevée que les détenteurs d'une licence de BSP.
La croissance des modèles de services de mobile money hors ORM au Nigeria a favorisé l'inclusion financière, parallèlement à l'augmentation de l'utilisation des BSP. Bien que les deux modèles (ORM et non ORM) puissent offrir des services de mobile money au Nigeria, les détenteurs de licences d'OAM ont actuellement plus de clients (Figure 3). Cela s'explique en partie par leur capacité à attirer des utilisateurs non bancarisés en appliquant des exigences moins strictes en matière de connaissance du client (KYC). Cette situation a changé depuis janvier 2024, date à laquelle il est devenu obligatoire d’associer tous les comptes bancaires de niveau 1 et les portefeuilles mobiles à un numéro de vérification bancaire ou un numéro d'identité national.
Figure 3 : Statistiques sur une sélection de prestataires de services de mobile money au Nigeria, 2023
La concurrence pourrait améliorer l'expérience des clients
En conclusion, il est probable que le mobile money continue à se développer en Afrique de l'Ouest au cours des prochaines années. Grâce à la concurrence que se livrent les prestataires de services de mobile money dans la région, les consommateurs pourraient bénéficier de prix plus bas, de la diversification des types d'utilisation et d'une meilleure proposition de valeur globale. Par exemple, le lancement par Orange de sa nouvelle application tout-en-un, Max It, signifie que les utilisateurs de smartphones sur ses marchés devraient bénéficier d'une meilleure expérience en matière de mobile money..
Pour en savoir plus sur la croissance du secteur du mobile money, lisez le rapport ''Le point sur le secteur : les services de mobile money dans le monde" de GSMA.