L’inclusion financière, un point d'entrée pour le financement de l'adaptation au changement climatique
L'adaptation au changement climatique souffre d'un déficit de financement important, en particulier pour soutenir les femmes. Les financements publics ne suffiront pas à combler ce déficit, mais ils seront essentiels pour aider les plus vulnérables et pour faciliter les investissements du secteur privé là où les financements et le soutien sont les plus nécessaires. Les systèmes financiers inclusifs jouent un rôle important dans la canalisation des fonds vers les plus vulnérables. C’est notamment le cas des systèmes de paiement et des réseaux d'agents locaux qui permettent d'accéder aux transferts sociaux, aux produits d'assurance contre les risques climatiques, à l'épargne pour les situations d'urgence ou encore à des crédits abordables pour investir dans des actifs adaptés au changement climatique et des moyens de subsistance plus résilients. Les bailleurs de fonds du développement sont très demandeurs de conseils et de bonnes pratiques pour déterminer où ils peuvent jouer un rôle de catalyseur et mobiliser le secteur privé pour qu'il investisse davantage dans l'adaptation au changement climatique.
Malgré l'augmentation exponentielle des fonds alloués à la lutte contre le changement climatique, l'adaptation aux effets climatiques dans les pays les plus vulnérables souffre d'un déficit de financement
Les bailleurs de fonds allouent leurs financements en fonction de leurs stratégies et de leurs priorités institutionnelles. Au cours des deux à trois dernières années, les bailleurs de fonds du développement et de nombreux investisseurs d'impact ont adopté des stratégies axées sur la lutte contre le changement climatique et ses impacts. Plus récemment, en particulier depuis la COP26, les financeurs cherchent des moyens d'allouer davantage de fonds aux objectifs d'adaptation au changement climatique. Pour mieux connaître les pratiques des bailleurs de fonds et évaluer dans quelle mesure l'inclusion financière est utilisée comme levier pour atteindre ces objectifs et accélérer les progrès, le CGAP a mené une recherche sur la base d’une étude documentaire et d’entretiens au cours de l'année dernière (2022-2023). Compte tenu de l'importance des objectifs d'égalité entre les sexes et des constats démontrant que le changement climatique et les réponses apportées par les secteurs public et privé ont un impact disproportionné sur les femmes, l’étude s’est également intéressée à l’intégration de la dimension du genre dans les stratégies et les projets climatiques. Les recherches ont porté sur une série de bailleurs de fonds publics et privés soutenant l'inclusion financière et/ou les objectifs climatiques.
Ces dix dernières années ont été marquées par une augmentation exponentielle du financement de la lutte contre le changement climatique par des sources publiques et privées. Cependant, seule une très faible part de ce financement était destinée à soutenir l'adaptation au changement climatique et la résilience face à ses effets. Sur les quelque 632 milliards de dollars de financements climatiques engagés en 2020, seuls 7 % environ étaient liés à des mesures d'adaptation. En outre, seuls quelque 83 milliards de dollars ont été alloués à l'action climatique dans les pays à revenu faible et intermédiaire (PRFI), ce qui signifie que ceux qui ont les besoins d’adaptation les plus pressants et le moins de ressources pour y faire face sont exclus des flux financiers climatiques mondiaux.
Les bailleurs de fonds publics se sont engagés à combler le déficit de financement et à mobiliser des fonds privés en testant des investissements dans de nouveaux modèles économiques, de nouvelles technologies et de nouveaux secteurs vulnérables au climat, et en réduisant le risque associé à ces investissements. Cependant, nos recherches ont montré que nombre d’entre eux en étaient encore au stade de l'élaboration des stratégies ou aux toutes premières étapes de la mise en œuvre de projets et d'investissements en faveur de l'adaptation climatique à grande échelle. Les bailleurs de fonds se heurtent à un obstacle important dans la mise en œuvre de leurs engagements de financement de l'adaptation climatique : ils ont une connaissance limitée des voies d'impact et des points de levier efficaces pour faire progresser l'adaptation au changement climatique et la résilience des plus vulnérables.
Quatre raisons de considérer la finance inclusive comme moyen de soutenir l'adaptation au changement climatique
Voici quatre raisons de considérer la finance inclusive comme une opportunité d’accroître les investissements publics et privés dans les mesures d'adaptation au changement climatique.
1. La finance inclusive peut favoriser l'adaptation autonome des ménages
La plupart des projets et des investissements en matière d'adaptation au changement climatique soutiennent des stratégies d'adaptation définies au niveau national, telles que la mise en place d'infrastructures et de technologies résistantes au changement climatique. Bien qu'importants, ces programmes ne permettent pas de soutenir les ménages qui ressentent déjà l'impact du changement climatique à travers la baisse des rendements agricoles, la dégradation de leurs biens, l’accès réduit aux services de base et les problèmes liés à la santé. Ces ménages ont besoin de produits de crédit et d'épargne abordables pour accéder aux nouvelles technologies et aux compétences qui leur permettront de mieux résister au changement climatique. En outre, ils ont besoin de solutions de transfert des risques qui protègent leurs investissements en cas de dommages ou de pertes.
2. La finance inclusive peut soutenir l'adaptation et la résilience climatique des femmes
Les femmes à faibles revenus sont beaucoup plus vulnérables aux effets du changement climatique et ont donc un besoin urgent d'accéder à des solutions qui les aident à s'adapter et à renforcer leur résilience. Les recherches montrent que les femmes qui peuvent accéder à des services financiers et les utiliser sont plus susceptibles de résister aux chocs et aux stress, d'accéder aux services de base et de gérer des entreprises rentables. Les bailleurs de fonds intègrent déjà une perspective de genre dans leurs stratégies climatiques, mais semblent manquer d’orientations claires quant à la manière dont ils peuvent atteindre ces deux objectifs simultanément. Les investissements dans l'inclusion financière des femmes associés à des programmes de transfert de compétences et de technologies offrent aux bailleurs de fonds la possibilité d'atteindre ces deux objectifs en donnant aux femmes les moyens de choisir et de mener leurs propres stratégies d'adaptation. Le secteur de l'inclusion financière a également une bonne expérience du rôle des normes sociales et de la manière de les aborder. Une dimension importante à prendre en compte lors de la conception de solutions financières et non financières pour l'adaptation au changement climatique.
3. La finance inclusive peut attirer les financements du secteur privé
En 2021, les investisseurs privés ont été les principaux moteurs de la croissance des financements en faveur de l'inclusion financière. L'intérêt des investisseurs privés pour le secteur financier est très vif et l'expérience des bailleurs de fonds publics en matière de mobilisation de capitaux privés très solide. Ce contexte offre la possibilité d’orienter les investissements existants dans le secteur financier vers des projets d'adaptation au changement climatique. Toutefois, il faudra pour cela que les bailleurs de fonds publics (et leurs homologues privés) réorientent leurs efforts actuellement centrées sur les projets liés à l'atténuation pour chercher à démontrer qu'il existe des modèles économiques viables et pour réduire le risque pour les investissements privés. Les bailleurs de fonds publics peuvent également apporter leur contribution en partageant leurs données, leurs approches de modélisation des risques et leurs enseignements sur les bénéfices financiers et sociaux de l'investissement dans l'adaptation au changement climatique.
4. Miser sur la finance inclusive peut favoriser une transition juste et inclusive
La tendance à l'écologisation du secteur financier par l'introduction de listes d'exclusion et l'exigence de certifications environnementales risque d'exclure les plus vulnérables de l'accès à un financement abordable. Les ménages pauvres sont ceux qui ont le plus besoin d'adopter des pratiques plus respectueuses de l’environnement et plus résistantes pour préserver et améliorer leurs moyens de subsistance. Imposer des obligations en matière de déclaration ou de certification ou exclure ces ménages parce qu'ils sont des clients à risque les privera d’accès aux services financiers et limitera leur capacité à s'adapter et à participer à la transition vers une économie plus écologique. Pour permettre une transition juste, il faut être plus conscients de ce risque et plus prudents afin d'éviter l'exclusion financière et économique potentielle des plus vulnérables.
Pour saisir ces opportunités et lier l'inclusion financière, le climat et les objectifs de genre dans leurs pratiques de financement, les bailleurs de fonds doivent adopter de nouveaux processus et modifier leurs incitations internes afin de prendre plus de risques et de travailler de manière intersectorielle
Les entretiens que nous avons menés ont confirmé que les bailleurs de fonds travaillaient activement au renforcement de leurs capacités internes et à l'élaboration d'objectifs et de mesures permettant de suivre l'évolution de l'adaptation au changement climatique. Cependant, ils sont également conscients que ces efforts ne se traduiront pas par une augmentation des projets et des financements en faveur de l'adaptation climatique s'ils ne s’accompagnent pas d'incitations, d'instruments financiers plus concessionnels et tolérants au risque, et d’un partage renforcé des connaissances et des bonnes pratiques. De nombreux bailleurs de fonds ont déclaré qu'il était beaucoup plus facile de financer l'atténuation – il existe un grand nombre de projets, ainsi que des enseignements et des paramètres clairs permettant de mesurer leur réussite. Le financement de l'adaptation est moins intéressant pour les bailleurs de fonds, car il nécessite de développer de nouvelles chaînes de résultats et de nouveaux indicateurs, se lancer dans des entreprises risquées qui n'ont pas été testées et investir davantage dans la collecte de données et la mesure de l'impact, car les résultats sont moins visibles et plus longs à se concrétiser. Il est toutefois encourageant de constater qu’il existe déjà une meilleure prise en compte des objectifs d'adaptation climatique, ce qui va contribuer à poser des jalons et inciter à investir davantage dans des projets d'adaptation. Certains bailleurs de fonds intègrent également des points focaux climat ou créent des groupes de travail, y compris spécifiquement dédiés à l'adaptation au changement climatique.
Au cours des trois prochaines années, le CGAP travaillera avec des investisseurs et des prestataires de services financiers afin d'identifier des approches efficaces pour fournir des services financiers soutenant l'adaptation et la résilience climatique. L'objectif est de partager des exemples, des enseignements et des conseils pratiques utiles aux prestataires de services financiers, aux bailleurs de fonds et aux autres acteurs importants du secteur pour fournir aux populations pauvres et vulnérables un accès à des services financiers et non financiers qui soutiennent leur adaptation au changement climatique et leur résilience. Nous réunirons les bailleurs de fonds afin de faciliter les échanges entre pairs et d’élaborer conjointement des recommandations sur les rôles respectifs des bailleurs de fonds publics et privés et sur les instruments de financement les plus efficaces pour soutenir l'adaptation climatique.
Pour atteindre ces objectifs, nous comptons sur nos membres et nos partenaires pour s'engager dans cet effort commun et partager leurs expériences. Nous espérons que vous vous joindrez à nous. N'hésitez pas à nous contacter ou à laisser un commentaire ci-dessous pour nous faire part de vos réactions et de vos suggestions.
C'est au tant vrais que l'inclusion financière même à travers l'accompagnement et l'éducation financière que les IMF font avec la clientèle peut être une occasion de sensibilisation pour éviter le feu de brousse, la coupe abusive de bois.
L'aménagement des petit bas fonds permettant aux groupements producteurs des tomates et autres aubergines évitera la culture aux brûlures qui occasionne souvent le feu de brousse. Le fonds reçu souvent est utilisé dans le reboisement avec beaucoup de bruit aux médias mais qui n'est pas finalement entretenu. Un an ou deux les arbres planté sont tous ravagé par le feu de brousse. La population à la base n'étant pas fortement impliquée à travers la sensibilisation et un accompagnement d'une activité génératrice de revenus abandonne le suivi et l'entretien.
J'apprécie vraiment votre approche en permettant aux différents acteurs d'intervenir en synergie. La démarche inclusive reste la meilleure solution pour permettre aux bailleurs de fonds et institutions financières de comprendre davantage que le principal défi à relever est l'accès des ménages à faibles revenus et des micro-entrepreneurs aux services financiers et non financiers. Tous les acteurs qui soutiennent ou s'investissent dans l'adaptation climatique ont besoin d'un accompagnement financier par l'intermédiaire des institutions financières publiques ou privées mais également d'un accompagnement non financier destiné à la formation des différents intervenants pour une gestion optimale et efficace des ressources humaines et financières.
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