Réglementer les envois de fonds pour les personnes déplacées de force : les résultats en République Démocratique du Congo
La République démocratique du Congo (RDC) abrite 10% de l'ensemble de la population mondiale de personnes déplacées internes. C’est le pays d’Afrique qui en compte le plus, avec environ 5 millions de personnes concernées. La RDC accueille également plus d’un demi-million de réfugiés et de demandeurs d'asile originaires des pays voisins. Situé juste au-dessus de 10 % de la population adulte (15 ans et plus), le taux de possession d’un compte bancaire est trois fois inférieur au niveau d’accès à travers l’Afrique subsaharienne.
Etat des lieux des envois de fonds en RDC
Toutefois, les envois de fonds sont importants pour le pays et pourraient permettre de faire progresser l'inclusion financière. La valeur des envois de fonds pour la population de la RDC dans son ensemble, bien que difficile à déterminer, a été estimée par la Banque mondiale à 1,8 milliard de dollars en 2019, soit 3,7% du PIB du pays.
Une étude récente commissionnée par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et le Fonds d'équipement des Nations Unies (FENU / UNCDF) révèle le potentiel inexploité des prestataires de services d'envoi de fonds pour atteindre les personnes déplacées de force en RDC. Dans le cadre de cette étude, nous avons interrogé 656 ménages dans quatre provinces, en explorant l'utilisation des transferts de fonds entre les personnes basées dans les camps de réfugiés et les communautés d'accueil et zones rurales autour d'eux, entre autres.
43% des répondants ont déclaré avoir envoyé ou reçu des envois de fonds et le montant annuel moyen envoyé ou reçu était de près de 95 $. La moitié des transactions étaient en espèces. Une autre étude sur les envois de fonds en RDC, menée par FinMark Trust en 2018, a estimé que 81% des envois de fonds étaient informels, que ce soit par la livraison physique d'espèces ou de marchandises ou via des réseaux locaux d'agents non réglementés.
Transition vers des canaux d’envois de fonds officiels
Avec 5 millions de personnes déplacées en RDC, le volume annuel potentiel de ce marché s'élève à des dizaines de millions de dollars qui pourraient être transférés vers des canaux de transfert formels, puis éventuellement liés à une gamme plus large de produits - épargne, assurance, etc. avec des implications réelles pour l'inclusion financière. Alors, comment ce changement pourrait-il se produire ?
Les personnes déplacées de force doivent être intégrées dans les stratégies nationales d'inclusion financière, et ces stratégies doivent mettre l'accent sur l'expansion des services de transfert de fonds formels et abordables qui peuvent à leur tour aider les personnes déplacées à devenir autonomes et à contribuer économiquement à leurs communautés. Pour les réfugiés, être connecté est également essentiel pour assurer l'accès à d'autres services financiers formels.
De leur côté, les prestataires de services financiers devraient inclure les personnes déplacées de force comme segment de clientèle et prendre en compte leurs besoins lors de la conception des services. Par exemple, les répondants de notre étude ont indiqué que l’accessibilité financière et la rapidité étaient leurs critères principaux lors du choix des fournisseurs de services de transfert de fonds, en privilégiant ces qualités par rapport à d’autres telles que la commodité ou la convivialité.
Au cours de nos recherches pour cette étude, nous avons analysé les mesures disponibles et nous préconisons les actions suivantes pour le gouvernement, les institutions financières et les régulateurs afin que les envois de fonds fonctionnent pour les personnes déplacées de force en RDC.
- Les gouvernements devraient fournir un accès universel à l'infrastructure de paiement numérique, y compris la mise en place d'un canal ouvert USSD (données de services complémentaires non structurés) pour tous les types de services financiers. L'USSD est une technologie incontournable pour l'inclusion financière via les téléphones mobiles, car elle transmet des informations via les canaux du réseau normalement utilisés pour les appels vocaux ou les SMS, permettant à ces canaux de prendre en charge d'autres fonctions, y compris les transactions financières.
- Les régulateurs devraient autoriser les transferts d'argent internationaux via les téléphones mobiles et devraient également encourager les agents bancaires autonomes (qui convertissent ces transferts numériques en espèces physiques) à embaucher et à former des personnes déplacées de force pour assurer cette fonction.
- Les régulateurs et les prestataires de services financiers devraient collaborer sur une série de questions afin que : a) les prestataires de services financiers identifient les documents d'identité demandés par le gouvernement afin que les clients déplacés de force aient accès à divers types de services financiers b) Les prestataires de services financiers aient une feuille de route pour les guider dans l'approbation réglementaire de diverses formes de partenariats (par exemple, entre les opérateurs d'argent mobile, entre les opérateurs de transfert d'argent et les agents de transfert locaux) c) Les agents aient la compréhension nécessaire de toutes les réglementations pertinentes, soient encouragés et aient été correctement formés pour appréhender et traiter les personnes déplacées de force comme des clients légitimes.
- Les prestataires de services d'envoi de fonds devraient envisager des partenariats avec des agences humanitaires et autres, afin de fournir un produit de transfert international attractif qui offre aux réfugiés un moyen sûr de recevoir de l'argent de l'étranger.
- Toutes les parties prenantes devraient s'efforcer de sensibiliser davantage les personnes déplacées à l'intérieur du pays, ainsi que les réfugiés transfrontiers, aux canaux formels et démontrer les avantages de ces canaux.
Les envois de fonds constituent une planche de salut pour les réfugiés, les personnes déplacées de force et les ménages pauvres en RDC, en particulier pendant la pandémie de COVID-19 mais aussi au-delà. La mise en place des systèmes nécessaires pour maintenir les envois de fonds en circulation peut non seulement aider à surmonter la crise actuelle, mais aussi renforcer la résilience face aux crises futures.